St. John Lucas, comp. (1879–1934). The Oxford Book of French Verse. 1920.
Estienne Jodelle 15321573
104. Aux cendres de Claude Colet
S
Des Immortels, pouvoit aller jusqu’à ton ombre,
COLET, à qui la mort
Se monstra trop jalouse et dépite d’attendre
Que tu eusses parfait ce qui te peut deffendre
De son avare port:
D’un Lut, qui gemiroit et ta mort, et ma plainte,
Tout ainsi te ravir,
Que tu te ravissois dessous tant de merveilles,
Lors que durant tes jours je faisois tes oreilles
Sous mes loix s’asservir:
Des Manes bien heureux, qui seule se recrée
Entre les lauriers verds,
Les mots que maintenant devot en mon office
Je rediray neuf fois, pour l’heureux sacrifice
Que te doivent mes vers.
Ne pourroit pas passer par les fleuves funebres,
Qui de bras tortillez
Vous serrent à l’entour, et dont, peut estre, l’onde
Pourroit souiller mes vers, qui dedans nostre monde
Ne seront point souillez:
De tesmoigner tout bas à ta muette cendre,
Bien que ce soit en vain,
Que ceste horrible Sœur qui a tranché ta vie
Ne trancha point alors l’amitié qui me lie,
Où rien ne peut sa main.
Sous le vouloir du fort, evitent un JODELLE,
Obstiné pour vanger
Toute amitié rompue, amoindrie, et volage,
Autant qu’il est ami des bons amis, que l’age
Ne peut jamais changer.
Sois moy donc un tesmoin, ô toy Fosse cendreuse,
Qui t’anoblis des os
Desja pourris en toy, sois tesmoin que j’arrache
Maugré l’injuste mort ce beau nom, qui se cache
Dedans ta poudre enclos.
Qu’on donne à ce beau nom des ailes immortelles,
Pour voler de ce lieu
Jusqu’à l’autel que tient vostre mere Memoire,
Qui regaignant sans fin sus la mort la victoire,
D’un homme fait un Dieu.
Trois gouttes de ce laict dessus la seiche cendre,
Et tout autant de vin;
Tien, reçoy le cyprés, l’amaranthe, et la rose,
O Cendre bien heureuse, et mollement repose
Icy jusqu’à la fin.