St. John Lucas, comp. (1879–1934). The Oxford Book of French Verse. 1920.
Alain Chartier c. 13861449
17. Ballade
O
Qui vous fiez tant és biens de fortune!
En celle terre, és pays où nous sommes,
Y avez vous de chose propre aucune?
Vous n’y avez chose vostre nes-une
Fors les beaulx dons de grace et de nature.
Se Fortune donc, par case d’adventure,
Vous toult les biens que vostre vous tenez,
Tort ne vous fait, ainçois vous fait droicture,
Car vous n’aviez riens quand vous fustes nez.
En-vostre lict, par nuit obscure et brune,
Pour acquester richesses a grans sommes,
Ne convoitez choses dessoubs la lune,
Ne de Paris jusques à Pampelune,
Fors ce qui fault, sans plus, à creature
Pour recouvrer sa simple nourriture;
Suffise vous d’estre bien renommez,
Et d’emporter bon loz en sepulture:
Car vous n’aviez riens quand vous fustes nez.
Au temps que fut toute chose commune,
Le beau miel, les glandes et les gommes
Souffisoient bien à chascun et chascune.
Et pour ce fut sans noise et sans rancune.
Soyez contens des chaulx et des froidures,
Et me prenez Fortune doulce et seure.
Pour vos pertes, griesve dueil n’en menez,
Fors à raison, à point, et à mesure,
Car vous n’aviez riens quand vous fustes nez.
C’est de son droit, jà ne l’en reprenez,
Et perdissiez jusques à la vesture:
Car vous n’aviez riens quand vous fustes nez.