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St. John Lucas, comp. (1879–1934). The Oxford Book of French Verse. 1920.

Ponce-Denis Écouchard Lebrun 1729–†1807

194. Arion

QUEL est ce navire perfide

Où l’impitoyable Euménide

A soufflé d’horribles complots?

J’entends les cris d’une victime

Que la main sanglante du crime

Va précipiter dans les flots.

Arrêtez, pirates avares!

Durs nochers, que vos mains barbares

D’ Arion respectent les jours!

Arrêtez! écoutez sa lyre:

Il chante! et du liquide empire

Un dauphin vole à son secours.

Il chante! et sa lyre fidèle

Du glaive qui brille autour d’elle

Charme les coups impétueux,

Tandis que le monstre en silence

Sous le demi-dieu qui s’élance

Courbe son flanc respectueux.

Le voilà, tel qu’un char docile,

Qui l’emporte d’un cours agile

Sur la plaine immense des mers!

Et du fond des grottes humides

Arion voit les Néréides

Courir en foule à ses concerts.

O merveilles de l’harmonie!

L’onde orageuse est aplanie,

Le ciel devient riant et pur,

Un doux calme enchaîne Borée,

Les palais flottants de Nérée

Brillent d’un immobile azur.

Jeune Arion, bannis la crainte;

Aborde aux rives de Corinthe:

Périandre est digne de toi.

Minerve aime ce doux rivage;

Et tes yeux y verront un sage

Assis sur le trône d’un roi.