St. John Lucas, comp. (1879–1934). The Oxford Book of French Verse. 1920.
Pierre-Jules-Théophile Gautier 18111872
282. Symphonie en Blanc Majeur
D
On voit dans les contes du Nord,
Sur le vieux Rhin, des femmes-cygnes
Nager en chantant près du bord.
Le plumage qui les revêt,
Faire luire leur peau plus blanche
Que la neige de leur duvet.
Qui chez nous descend quelquefois,
Blanche comme le clair de lune
Sur les glaciers dans les cieux froids,
De sa boréale fraicirc;cheur
A des régals de chair nacrée,
A des débauches de blancheur
Contre les camélias blancs
Et le blanc satin de sa robe
Soutient des combats insolents.
Satins et fleurs ont le dessous,
Et, sans demander leurs revanches,
Jaunissent comme des jaloux.
Paros au grain éblouissant,
Comme dans une nuit du pôle,
Un givre invisible descend.
De quelle moelle de roseau,
De quelle hostie et de quel cierge
A-t-on fait le blanc de sa peau?
Tachant l’azur de ciel d’hiver,
Le lis à la pulpe argentée,
La blanche écume de la mer,
Où vivent les divinités;
L’aegent mat, la laiteuse opale
Qu’irisent de vagues clartés;
Et, comme des papillons blancs,
Sur la pointe des notes frêles
Suspendent leurs baisers tremblants;
Qui, pour abriter leurs frissons,
Ouate de sa blanche fourrure
Les épaules et les blasons;
Dont les vitraux sont ramagés;
Les blanches dentelles des vasques,
Pleurs de l’ondine en l’air figés;
Sous les blancs frimas de ses fleurs;
L’albâtre où la mélancolie
Aime à retrouver ses pâleurs;
Neigeant sur les toits du manoir,
Et la stalactite qui tombe,
Larme blanche de l’antre noir?
Vient-elle avec Séraphita?
Est-ce la Madone des neiges,
Un sphinx blanc que l’hiver sculpta,
Gardien des glaciers étoilés,
Et qui, sous sa poitrine blanche,
Cache de blancs secrets gelés?
Oh! qui pourra fondre ce cœ!
Oh! qui pourra mettre un ton rose
Dans cette implacable blancheur!