St. John Lucas, comp. (1879–1934). The Oxford Book of French Verse. 1920.
Pierre-Jules-Théophile Gautier 18111872
286. Ce que disent les Hirondelles
D
Parsème les gazons jaunis;
Soir et matin, la brise est fraîche,
Hélas! les beaux jours sont finis!
Le jardin, pour dernier trésor;
Le dahlia met sa cocarde
Et le souci sa toque d’or
Les hirondelles sur le toit
Tiennent des conciliabules:
Voici l’hiver, voici le froid!
Se concertant pour le départ.
L’une dit: ‘Oh! que dans Athènes
Il fait bon sur le vieux rempart!
Aux métopes du Parthénon.
Mon nid bouche dans la corniche
Le trou d’un boulet de canon.’
A Smyrne, au plafond d’un café.
Les Hadjis comptent leurs grains d’ambre
Sur le seuil, d’un rayon chauffé.
Aux blondes vapeurs des chibouchs,
Et parmi des flots de fumée
Je rase turbans et tarbouchs.’
Au fronton d’un temple, à Balbeck.
Je m’y suspens avec ma griffe
Sur mes petits au large bec.;
Rhodes, palais des Chevaliers;
Chaque hiver, ma tente s’y dresse
Au chapiteau des noirs piliers.’
Car l’âge m’alourdit un peu,
Aux blanches terrasses de Malte
Entre l’eau bleue et le ciel bleu.’
Au Caire, en haut des minarets!
J’empâte un ornement de glaise,
Et mes quartiers d’hiver sont prêts.’
Fait la dernière, j’ai mon nid;
J’en ai noté la place exacte,
Dans le pschent d’un roi de granit.’
Auront filé sous notre essaim,
Plaines brunes, pics blancs, mers bleues
Brodant d’écume leur bassin!’
Sur la moulure aux bords étroits,
Ainsi jasent les hirondelles,
Voyant venir la rouille aux bois.
Car le poète est un oiseau;
Mais, captif, ses élans se brisent
Contre un invisible réseau!
Comme dans le chant de Rückert,
Pour voler là-bas avec elles
Au soleil d’or, au printemps vert!