St. John Lucas, comp. (1879–1934). The Oxford Book of French Verse. 1920.
Pierre de Ronsard 15241585
70. Odes
viiiV
Pres de ce vin verson ces roses,
Et boivon l’un à l’autre, à fin
Qu’au cœur nos tristesses encloses
Prennent en boivant quelque fin.
La belle Rose du Printemps,
Aubert, admonneste les hommes
Passer joyeusement le temps,
Et pendant que jeunes nous sommes,
Esbatre la fleur de nos ans.
Fanie en une matinée,
Ainsi nostre âge se flestrit.
Las! et en moins d’une journée
Le printemps d’un homme perit.
Ne veis-tu pas hier Brinon
Parlant et faisant bonne chere,
Qui las! aujourd’huy n’est sinon
Qu’un peu de poudre en une biere,
Qui de lui n’a rien que le nom?
Nul ne desrobe son trespas,
Caron serre tout en sa nasse,
Rois et pauvres tombent là bas:
Mais ce-pendant le temps se passe,
Rose, et je ne te chante pas.
La Rose est l’honneur d’un pourpris,
La Rose est des fleurs la plus belle,
Et dessus toutes a le pris:
C’est pour cela que je l’appelle
La violette de Cypris.
La Rose est le bouquet d’Amour,
La Rose est le jeu des Charites,
La Rose blanchit tout au tour
Au matin de perles petites
Qu’elle emprunte du poinct du jour.
La Rose est le parfum des Dieux,
La Rose est l’honneur des pucelles,
Qui leur sein beaucoup aiment mieux
Enrichir de Roses nouvelles,
Que d’un or tant soit precieux.
Est-il rien sans elle de beau?
La Rose embellit toutes choses,
Venus de Roses a la peau,
Et le front le Soleil nouveau.
Les Nymphes de Rose one le sein,
Les coudes, les flancs et les hanches:
Hebé de Roses a la main,
Et les Charites, tant soient blanches,
Ont le front de Roses tout plein.
Que le mien en soit couronné,
Ce m’est un Laurier de victoire:
Sus, appellons le deux-fois-né,
Le bon pere, et le faison boire,
De ces Roses environné.
Bacchus, espris de la beauté
Des Roses aux feuilles vermeilles,
Sans elles n’a jamais esté,
Quand en chemise sous les treilles
Il boit au plus chaud de l’Esté.